Le décret de l'éducation permanente de 2003 donne une place privilégiée à la participation des publics dans la poursuite de ses objectifs. En matière de production d'analyses et d'études critiques, cette participation peut concerner différents niveaux du travail : elle peut en être la visée, le moyen ou encore l'objet même. Mais quelles sont les contours d'une participation active des publics telle que le décret l'entend ?
Par Christine Mahy, Secrétaire générale du RWLP et Jean Blairon, directeur de l'asbl RTA
Le 23 septembre dernier, Nico Cué, secrétaire général des Métallos de Wallonie et Bruxelles (FGTB) en appelait au micro de Matin Première à la constitution d'un front social élargi, non seulement à l'ensemble des syndicats, mais aussi au monde associatif.
La nouvelle mouture du décret de l'aide à la jeunesse prévoit, en son article 50quinquies, un nouveau dispositif qui prendra cours en janvier 2015 ; tous les services du secteur, qu'ils soient privés agréés ou publics, organiseront de manière continue la participation des bénéficiaires, qui devront pouvoir donner librement leur avis et être écoutés quant à la manière dont ils perçoivent l'intervention dont ils bénéficient et les effets qu'elle produit.
Cette analyse illustre l'écart qui peut exister entre des intentions politiques et leur mise en œuvre effective, et même se creuser d'autant plus insidieusement que des dispositifs législatifs semblent devoir aplanir les difficultés. En effet, si la transversalité est prônée tous azimuts, elle n'est guère facilitée sur le terrain.
Le secteur de l'éducation permanente a été régi de 1976 à 2002 par un décret qui mettait l'accent sur des publics ; en 2003, un nouveau décret lui a succédé, centré davantage quant à lui sur l'action et ses modalités associatives. Les associations soutenues dans ce cadre sont tenues à la réalisation d'actions spécialisées (animations, formations, outils, analyses, campagnes), dont la quantification est fixée. Elles doivent donc justifier leur travail auprès de leur inspection, et ce rapport entre association et pouvoirs publics peut être structuré autour de descriptions des actions qui peuvent être en tension : « est-ce suffisamment ceci ou cela, dans la logique d'action choisie par l'association ».
La revue Prospective Jeunesse. Drogue, santé, prévention a consacré ses deux derniers numéros à « La participation en question ». Après une livraison (le n°67) centrée sur « l'école, lieu de participation », le second volet de ce tour d'horizon (le n°68) a pour thème « Travail social et participation ».
Le 16 mai 2013, l'Unipso et le Master en Ingéniérie et Actions sociales LLN/Namur organisaient une conférence portant sur « L'évolution des relations entre le secteur à profit social et les pouvoirs subsidiants - Focus sur les enjeux des appels à projets et des appels d'offres ». Dans son intervention, Jean Blairon adopte le point de vue de l'éducation permanente, réflexif et critique. Au départ des travaux de Boltanski, il précise le rôle des institutions publiques : définir ce qu'est la réalité (les besoins d'un secteur, par exemple), et confirmer la réalité de la réalité lorsqu'un doute s'installe (par exemple, vérifier que des procédures établies ont bien été respectées).
Ce texte constitue la retranscription d'une intervention sollicitée par le Centre Universitaire de Charleroi (CUNIC) dans le contexte de sa 17ème université d'été des formateurs d'adultes qui s'est tenue le 24 août 2012 et qui était centrée sur la formation socio-professionnelle.
Le thème du plaisir à retrouver est-il le tremplin d'une contre-attaque, une sorte de degré zéro d'une action politique à venir, ou est-il le refuge compensatoire d'un désenchantement qui serait moins celui du monde que celui d'acteurs qui auraient accepté leur impuissance comme inéluctable ?
En 1978, Thierry Gaudin, fonctionnaire français au Ministère de l'industrie, chargé de la « politique d'innovation », écrivait L'écoute des silences. Il y montrait que les résistances à l'innovation étaient vives et qu'on n'accordait pas d'importance à ce qui seul comptait : ce qu'on ne voit pas, ce qui ne se donne pas à entendre. Pour lui, le manque de réceptivité à l'innovation et la réticence à l'émergence d'une connaissance vraie s'expliquait par des comportements institutionnels particuliers vis-à-vis des bénéficiaires et usagers : les comportements pastoral, clérical, inquisitorial.
Il n'est plus envisageable aujourd'hui de construire un discours sur la pauvreté, la précarité et l’exclusion en dehors d'une participation des personnes concernées. Le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté et ses membres s'interrogent naturellement sur les actions de participation mises en place dans leurs fonctionnements quotidiens.
C'est dans ce contexte que RTA a été sollicité. Nous avons été invités à poser un regard réflexif et indépendant sur les pratiques participatives du Réseau.
Six collectifs ont été rencontrés, avec leurs bénéficiaires : trois appartiennent au Réseau, trois autres en sont proches sans être membres.
Nous avons dégagé des interviews une hypothèse explicative centrale : la participation au sein du Réseau se vit dans la connexion constante et libre de trois niveaux de participation.
Les services d'accompagnement pour personnes handicapées sont 41 en Wallonie et 21 à Bruxelles. 24 d'entre eux, à l'appel de la fédérationASAH, sont entrés dans une démarche d'évaluation de leurs pratiques. Leurs motivations : l'impression que le travail d'accompagnement a beaucoup changé, un sentiment d'incompréhension du sens et de la valeur de leur action par les autorités publiques, et enfin, l'envie de redonner au terme d'accompagnement, si galvaudé voire détourné au profit de logiques qui ressortissent plus à du contrôle qu'à de l'aide, le sens que leurs pratiques lui insufflent en silence mais avec efficacité.
Au départ de trois récits d'actions collectés auprès de chacun de ces services (l'action emblématique de leur travail, la plus nouvelle, la plus difficile), l'équipe de recherche a constaté qu'il existe une identité partagée par les services et a tenté d'en rendre compte dans ses diverses facettes.
Ce qui l'a amenée à identifier deux zones d'écarts avec la vision habituellement véhiculée à propos de l'accompagnement.
En tant qu'évaluateur externe du Réseau international des travailleurs de rue, Jean Blairon a produit deux contributions. En s'éloignant du modèle gestionnaire de l'évaluation, qui, malheureusement, corrompt de plus en plus la notion même d'évaluation, il invite les membres du réseau à réfléchir sur le sens et la valeur de leur action, à partir de plusieurs trames d'interrogations.
La première concerne le programme 2012 du Réseau, et part du constat que le Réseau, via le programme « Progress », est dans une situation de stabilisation partielle (essentiellement pour les protagonistes européens), stabilisation qui est assortie d'une inscription dans les politiques sociales européennes, dont il convient d'observer les effets afin de ne pas s'inscrire dans le registre du leurre, voire du renforcement de la domination.
En tant qu'évaluateur externe du Réseau international des travailleurs de rue, Jean Blairon a produit deux contributions. En s'éloignant du modèle gestionnaire de l'évaluation, qui, malheureusement, corrompt de plus en plus la notion même d'évaluation, il invite les membres du réseau à réfléchir sur le sens et la valeur de leur action, à partir de plusieurs trames d'interrogations.
La seconde développe une trame réflexive qui pourra soutenir une explicitation commune des orientations du réseau en matière de lutte contre la pauvreté et, dans la foulée, l'élaboration éventuelle de stratégies collectives, en identifiant les controverses qui traversent les interventions du réseau en la matière.
L'accès des jeunes à une expérience significative de désintéressement (la solidarité active, dont ils sont trop souvent exclus) est-elle dans l’intérêt bien compris des acteurs de l’un ou l’autre champ? Par exemple, dans le champ économique, où le désintéressement paraît particulièrement éloigné des enjeux, mais où la véritable efficacité se joue dans la solidarité entre travailleurs et non dans des méthodes managériales. Ou dans le champ politique, où l’acte désintéressé se retrouve dans le « sens de l’Etat » des politiques. Quant au champ social, où la logique de désintéressement paraît la plus évidente, c’est sans doute là qu’il faut être le plus vigilant pour éviter qu’elle ne soit retournée à son désavantage.
Le 1er octobre 2011, le CIEP/ISCO organisait à Louvain-la-Neuve une journée d'étude intitulée « La formation d'adultes : un laboratoire pour l'action collective ? ». Jean Blairon y abordait la question de l'opportunité d'une certification des formations en éducation permanente, opportunité partiellement contrainte (« il faut bien s'adapter aux exigences du Décret de Bologne ») et incertaine (elle peut provoquer des conflits de légitimité, notamment). Il a choisi d'aborder la question en termes de politique de formation, postulant que toute politique de formation (orientation, choix incarné dans un dispositif) est aussi une formation de politique.
Par une mise en perspective historique et comparative, il emprunte aux Chicanos et à Amilcar Cabral des points de repères en matière de production de savoir dans un mouvement social. Il les oppose ensuite à l'obscénité (au sens marcusien du terme, qui désigne l'impudence plus que l'impudeur) à laquelle on peut être confronté à la lecture d'une UF (unité de formation) en promotion sociale. On y constate en effet un choc entre une logique managériale psycho-pédagogique et une logique critique. Il aborde enfin le rôle de la critique dans l'élaboration d'épreuves pertinentes et équitables.
Cette analyse est la retranscription d'un exposé réalisé lors d'une journée d'étude organisée à l'intention de tous les acteurs du monde associatif par la Croix-Rouge de Belgique le 21-10-2011 « La formation des volontaires : pourquoi ? Comment ? ».
Jean Blairon y aborde la question de la formation des volontaires (et notamment celle de « l'opposition » volontaires/professionnels) par la lorgnette de l'éducation permanente, qui lie la question de la formation des adultes avec les mouvements ouvriers. Pour ceux-ci, la formation est un enjeu central : elle produit un savoir propre et autonome. Elle est liée aussi à un engagement dans la vie associative, et à la manière dont celle-ci s'institue.
Dynamo International, qui anime le Réseau international des travailleurs de rue, est financé par l'Union européenne dans le cadre du programme «Progress» , qui impose notamment aux associations soutenues de produire une évaluation «externe». Cette évaluation a été demandée à RTA, partenaire de longue date des acteurs du travail de rue en Fédération Wallonie-Bruxelles. Des lors, RTA peut-il être jugé comme suffisamment «externe»? C'est l'occasion de revenir sur la notion d'évaluation et de montrer que le schème « interne, externe » n'est pas pertinent en matière d'évaluation des pratiques associatives et des dynamiques institutionnelles.
Lorsque l'on prend acte de l'émergence de formes nouvelles d'action collective et d'engagement, le constat est souvent partiellement grevé d'un implicite de succession obligée (les nouvelles devraient prendre le relais, voire remplacer les anciennes) et d'une manière de jugement de valeur: les expérimentations nouvelles seraient créditées de plus de légitimité que les traditionnelles, suspectées d'avoir perdu tout ou partie de la leur. L'éducation populaire est-elle soumise à ce même schéma?
Le Décret qui, depuis 2003, régit le secteur de l’éducation permanente a apporté de nombreux changements. Certains de ces changements génèrent des zones d’incertitudes. RTA et le Cepag se sont penchés conjointement sur certaines de ces zones d’incertitude, à travers une étude de cas, pour ensuite tenter un recul critique plus large sur les changements qui se sont produit dans les publics populaires visés par le Décret, et qui nécessitent une réflexion quant à l’application de celui-ci.
A l’occasion de son quarantième anniversaire, PAC (Présence et Action Culturelle) a mis en exergue le mot d’ordre « Imaginons ensemble l’alternative culturelle ». Jean Blairon repart des luttes qui ont conduit à façonner l’éducation permanente et des facteurs de déperdition qui la menacent pour identifier les nouveaux défis que cette héritière de l’éducation populaire aura à relever.
Cette analyse, réalisée à la demande du Journal de l’Alpha, est l’occasion d’une réflexion sur les identités et logiques d’un secteur qui se qualifie lui-même de « double non » : non-marchand, non-gouvernemental. Ces identités et ces logiques ne sont pas exemptes d’ambiguïtés, n’ont pas le monopole du désintéressement, et ne sont pas, loin s’en faut, à l’abri des contraintes, dérives ou sirènes qu’elles reprochent aux secteurs qui ne sont pas «non». Comment dès lors réaffirmer une identité et des logiques légitimes et fortes ?
Cadres logiques et travail social : la quadrature du cercle
Les « cadres logiques » sont une méthode d’établissement et de présentation de projets et programmes d’action. Dans le secteur de la coopération au développement, cette méthode a été imposée par le législateur aux ONG (organisations non gouvernementales) qui désirent être financées par la DGCD (Direction Générale de la Coopération au Développement). Sur le fond, imposer cette méthode à des associations ou organisations dites non gouvernementales nous paraît contreproductif ...
Dialogue entre Etat et organisation non gouvernementale : une étude de cas
Cette étude de cas se plonge dans le décryptage d’un « dialogue politique » entre une ONG et ses pouvoirs subsidiants. Ce dialogue politique, noué entre un fonctionnaire de l’administration compétente accompagné d’un expert indépendant et des membres de l’ONG, clôture la procédure de demande de subsidiation de l’ONG, et décide de l’attribution ou du refus de cet argent en motivant la décision. L’ONG en question, Dynamo International, est membre fondatrice du Réseau international des Travailleurs sociaux de rue ...
Ce ne sont pas les obstacles qui manquent sur la route des associations. La charte associative, adoptée en février 2009 par les gouvernements wallon, bruxellois et de la Communauté française, a fait souffler un vent d’espoir dans le monde associatif : enfin, peut-être, leur rôle allait-il être reconnu, et des ponts allaient-ils pouvoir être jetés entre l’Etat et les associations.
Mais la mise en œuvre de la Charte tarde, et sur le terrain, on observe des politiques et des pratiques en forme de procession d’Echternach : trois pas en avant, deux pas en arrière.
La Plate-forme pour le Service Citoyen souhaite mettre en réseau les acteurs actifs sur les questions de valorisation des jeunes dans la société, par le biais d’un service citoyen.
Son objectif est de promouvoir et défendre la mise sur pied en Belgique d'un service citoyen volontaire accessible à tous les jeunes de 18 à 25 ans dans le but de favoriser leur développement personnel ainsi que leur intégration dans la société en tant que citoyens actifs, critiques et responsables.
Nous avons publié dans Intermag plusieurs analyses sur la question du travail en réseau dans des aspects divers : méthodologie, questions d’évaluation, analyse à posteriori de mécanismes et de leurs conséquences, etc.
L’associatif doit-il se préparer à célébrer le grand retour du contrôle, qui fut si fort combattu à la fin des années 60, et si oui, sur quelle scène ce contrôle se produirait-il ? Cette analyse tente de répondre à ces questions à propos de trois niveaux : le contrôle exercé sur les bénéficiaires, le contrôle du travail des agents, le contrôle des associations par l’Etat qui les subventionne.
Nous proposons ici les pistes qui semblent être les plus propices à investiguer pour favoriser un vrai retour de la critique sociale.
Sous ce titre ironique, nous relevons les chausse-trappe qui attendent les associations au tournant de la critique sociale, et qui sont loin de se signaler comme telles : elles sont, au contraire, bien dans l’air du temps et bien dans le ton. Ou comment se modélise en toute bonne conscience l’échec programmé des politiques progressistes.
Depuis les années 80, la critique s’est affaiblie, comme Boltanski l’explique, et les défis qui sont ceux de l’éducation permanente lui rendent la tâche d’autant plus complexe. Nous relevons dans cette analyse la nature de ces changements, les épreuves qu’ils engendrent et les enjeux nouveaux pour l’associatif.
Cette analyse est la conclusion du nouveau Guide sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde (octobre 2008) produit par le réseau international du travail de rue. Elle rappelle les enjeux de ces pratiques éducatives spécifiques, en reliant les aspects pratiques aux orientations qui leur donnent sens, tant à un niveau politique qu'à un niveau sociétal. Loin des clichés sur le métier qui dominent encore trop souvent dans les représentations.
Travailler en réseau, dans le travail social, est une des manières de se renforcer, de démultiplier localement les forces des uns et des autres. Nous en avons décrit de multiples déclinaisons dans des analyses antérieures. Celle-ci se propose d’explorer, au-delà de ce qui semble faire évidence, les conditions de fonctionnement, mais aussi les risques rarement perçus.
La charte associative est un texte qui a été adopté en première lecture le 30 mai par les gouvernements de la Région wallonne, de la Communauté française et par la Cocof. La finalité annoncée d’emblée est de faire pièce à la montée de l’individualisme et à la « marchandisation totale des activités humaines » par une alliance entre les pouvoirs publics et les associations qui sont porteuses d’un engagement citoyen et solidaire. Alors que l’échéance suivante est fixée au mois d’octobre pour la remise d’un avis par les associations consultées, nous nous sommes interrogés sur les conditions qui permettraient cet apport positif.
Dans une contribution précédente, nous avons tenté une analyse préventive des effets possibles de l’introduction d’une nouvelle norme pédagogique dans l’aide à la jeunesse : l’obligation pour les services mandatés d’élaborer un projet éducatif individualisé pour chaque jeune qui leur est confié. A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’administration de l’aide à la jeunesse a opéré des choix très clairs en ce qui concerne le P.E.I.; rien, dans les attentes de l’administration à cet égard, ne favorise ni n’impose le recours à une logique de fond d’inspiration opérationnaliste. Une lettre précisant les dites attentes a été en effet adressée à tous les services et on peut se réjouir de cet effort d’explicitation et de transparence. Il importe cependant de voir que le P.E.I. n’est qu’un exemple parmi d’autres, dans de nombreux secteurs, de créature traversée par des enjeux fondamentaux pour la pensée critique. Pour bien percevoir ces enjeux, il convient évidemment de discerner les logiques de fond qui les portent, parfois involontairement d’ailleurs.
Dans ce texte, qui a été utilisé lors d’un colloque sur l’évaluation à Strasbourg, Jean Blairon propose un véritable condensé des principaux outils utiles en matière d’évaluation.
Depuis le milieu des années 90, la notion de participation sociale est de plus en plus fréquemment invoquée dans différentes politiques sociales nationales ou européennes. Quels usages sociaux induit-elle?
Solidarcité c'est un projet pilote hybride, différent, lancé en 2001 par l'AMO SOS Jeunes à Bruxelles. Ce projet est à l'intersection de plusieurs secteurs, insertion socio-professionnelle, aide à la jeunesse, organisations de jeunesse, santé mentale, mais aussi à l'intersection de multiples besoins des jeunes qu'il accueille.
Un des rôles essentiels d'une association innovante consiste à faire accéder à l'agenda politique la problématique pour laquelle elle se mobilise. Pour fonder la légitimité de ses interpellations, l'association peut regrouper un certain nombre de protagonistes. Mais la construction du réseau va soulever un certain nombre de points délicats: l'entretien de ce réseau, les alliances délicates ou encore le brouillage des rôles de chacun.
L'exercice effectif du droit fondamental au logement ne va pas de soi. Les agences immobilières sociales se sont mobilisées, au nom de la critique sociale, pour que ce droit soit accessible à tous. A un moment important de leur évolution, elles ont souhaité faire un point critique sur leurs pratiques et leurs orientations communes.
Cette analyse revient sur l'utilisation de la notion de réseau par les professionnels de l'action sociale. Elle vise à identifier trois formes de réseau généralement envisagées par ces professionnels. Pour chacune de ces formes, l'analyse revient sur les effets constatés en regard de la question de la solidarité collective.
Lorsque j'ai eu l'occasion de prendre connaissance des travaux consacrés par Jean-Pierre Le Goff à la modernisation (sauvage) des entreprises et à l'importation (qualifiée de barbare) de ses méthodes dans le champ de l'enseignement, je n'ai pu que me dire « enfin, quelqu'un qui l'a vu, et qui a vu juste! ».
Nous avons vu que les associations pouvaient être considérées désormais comme des cibles, des objets de stratégie, voire des terrains d’exercice ou des territoires à conquérir par la culture managériale, elle-même porteuse d’une vision très située du développement et du gouvernement de la société.
Le bilan critique qui est dressé de cette imposition culturelle implique toutefois que nous fassions porter (que nous « retournions ») sur nous-mêmes le recul réflexif qui nous conduit à l’interroger , puisqu’on peut considérer qu’un certain nombre des composantes de cette nouvelle forme de pouvoir ont été produites par les luttes sociales et culturelles mêmes que les associations ont pu mener.
Jean-Pierre Le Goff désigne cette réalité comme les effets d’une part de l’héritage de mai 68, part qu’il considère comme impossible à assumer.
Depuis quelques années, on constate une transformation de la vision de la personne aidée, notamment à travers l'émergence de la figure de l'usager-client. Cette transformation ne se limite pas à un changement de terminologie. Elle contribue à redéfinir le statut de la personne mais également la nature de la relation d'aide. Cette vision de la personne aidée comme usager-client nous apparaît contestable parce qu'elle porte en elle une remise en cause du travail social, l'abandon de toute ambition pédagogique, la marchandisation des interventions sociales, la solvabilité des personnes, etc.
Les travaux récents de Jean-Pierre Le Goff consacrés au succès ambigu de la thématique du harcèlement moral, aux conflits sociaux de grande ampleur qu’a connus la France (notamment en 2003), au rejet français du Traité relatif à la constitution européenne, au bilan de la gauche française, à l’analyse du pouvoir dans les démocraties ou à l’héritage laissé par le mouvement de mai 68 permettent de tenter de systématiser une série de questions relatives aux actions et acteurs du contre-pouvoir dans les sociétés européennes.
Nous pensons que nous nous trouvons dans une autre phase de l'analyse institutionnelle que celle qui a occupé le devant de la scène dans les années soixante. A cette époque, le pouvoir était identifié à l'ordre et l'analyse institutionnelle consistait le plus souvent à faire entendre les voix discordantes qui tentaient, tant bien que mal, de s’exprimer à l’intérieur de l’institution qui entrait en analyse.
Aujourd'hui, le pouvoir s'exerce majoritairement par le mouvement, c'est-à-dire par l'obligation de changement; il est par ailleurs devenu plus intensif (il pénètre loin dans la sphère du sens et des valeurs) et extensif (il concerne tous les domaines de l'existence). Chaque citoyen, par exemple, est de plus en plus invité à se considérer comme un capital à développer, tant mentalement que physiquement et ce dans un mouvement illimité. Pour les citoyens les plus fragiles, le respect de cette obligation conditionne même l'accès à de nombreux droits (exigence de « relooking » à l'égard des allocataires sociaux, exigences d'« activation », etc.). Chacun (et dès le plus jeune âge) doit se comporter comme un « petit entrepreneur de son existence » (selon la formule de Pierre Bourdieu).
Nous observons depuis quelques dizaines d’années la conjonction de deux tendances: un changement de conception du rôle de l’Etat, invité à s’alléger de toutes sortes de manières (et donc à se désengager d’une série de terrains, missions, si ce n’est de secteurs); la tendance à la professionnalisation des institutions composant l’acteur associatif.
Tentative de synthèse des travaux que nous avons menés ces deux dernières années, en partant d'une question «simple» : y a-t-il un conflit central dans nos sociétés, analogue au conflit qui a opposé patronat et mouvements ouvriers dans la société industrielle ?
Impacts légitimes et illégitimes
L’intérêt d’une éventuelle « convention de caractère solennel entre deux parties », soit en l’occurrence l’Etat et le secteur associatif dans son ensemble, qui viendrait s’ajouter aux dispositifs existants, comme les agréments, les contrats pluri-annuels, etc. doit évidemment se mesurer aux impacts souhaités.
Après plus de cinquante ans de développement de l’analyse institutionnelle, d’interventions menées dans son sillage, de publications nombreuses, il ne nous semble pas encore exister de cette approche et de son objet de définitions largement acceptées, si ce n’est suffisamment stabilisées.
Cette caractéristique étonnante n’est pas, nous semble-t-il, à attribuer à une négligence ou une insuffisance des protagonistes de ce « courant ». Elle est à chercher dans ce que nous allons présenter comme l’inversion d’une problématique qu’a rendue possible l’apparition d’une société dite de l’information (ou « immatérielle »), née dans le sillage (et le renversement de sens) des mouvements culturels apparus à la fin des années soixante.