Le secteur des associations joue souvent un rôle de contre-pouvoir. Le travail en association est-il dès lors différent voire opposé au travail dans d’autres environnements, comme l’entreprise capitaliste ?
Pierre Bourdieu montre comment l’entreprise capitaliste est le théâtre d’un conflit de vérités à propos du travail : la vérité objective du travail, c’est la relation d’exploitation ; sa vérité subjective, c’est la possibilité pour le travailleur ou la travailleuse de se sentir utile, d’y trouver des raisons d’être, des occasions de créativité et de rencontre.
Ce conflit de vérité peut prendre la forme d’un masquage : la vérité subjective occulte l’exploitation (et d’une certaine façon la justifie). Le conflit entre les deux vérités peut aussi prendre la forme d’une dépossession : le taylorisme, par exemple, met la vérité subjective du travail au service de l’exploitation.
Le courant associationniste réhabilite la vérité subjective du travail et la met au poste de commande.
Le fait de travailler en association hérite en principe de ce courant.
L’analyse montre toutefois que le succès même du « secteur associatif » comme environnement de travail l’expose au retour des conflits de vérité.
Le travail en association voit ainsi les logiques de dépossession faire retour en son sein, du fait notamment des modèles d’organisation que lui imposent les pouvoirs publics, en relais des firmes capitalistes de consultance. Des fonctionnements internes peuvent aussi conduire les travailleurs eux-mêmes à réintroduire des mécanismes qui servent la vérité objective du travail, affaiblissant ainsi la lutte générale contre les facteurs de domination.