Des intervenants sociaux et acteurs de terrain travaillant avec des populations Roms à Bruxelles, à des degrés divers et avec des missions variées, se sont rassemblés le 2 octobre 2014, à l'invitation de l'asbl « Lutte contre l'exclusion sociale à Molenbeek », pour réfléchir à diverses expériences et analyses de terrain.
Le 10 septembre 2014, à l'occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, le Centre de Prévention du Suicide organisait un colloque fort explicitement intitulé « Le travail m'a tuer » ; comme dans la célèbre affaire Omar Raddad et avec la même faute grammaticale, la phrase, en lettre de sang sur le mur d'un bureau, accuse le labeur meurtrier.
Malgré des plaidoyers répétés en ce sens, la gratuité de l'enseignement obligatoire reste un mythe. Dans nombre d'écoles, les coûts s'additionnent, jetant des familles dans des difficultés financières d'autant plus difficiles à assumer qu'elles ne sont pas sans effets culturels et sociaux importants.
Le Relais Social Urbain de Tournai a mené une enquête auprès de travailleurs sociaux tournaisiens et de bénéficiaires d'un abri de nuit et d'un accueil de jour, tous deux fermés après le plan grand froid 2013-2014. L'objectif était d'éclairer la réflexion du réseau de services sociaux autour de l'éventuelle pérennisation de ce type de service : est-elle pertinente, sous quelle forme, à quel moment et avec quelles priorités, avec quelles synergies ? RTA a été sollicité pour traiter cette enquête et accompagner le processus réflexif.
Après une société (industrielle) d'exploitation des travailleurs et une société (post-industrielle) d'aliénation, séductrice et manipulatrice, connaissons-nous aujourd'hui une société (hyper-industrielle) de la désubjectivation, qui combinerait de manière indissociable exploitation et aliénation ?
On en constate en tout cas le poids dans le monde du travail, où l'exploitation accrue passe par une mobilisation plus contrainte des ressources subjectives (l'adhésion, l'engagement, la mobilisation, valeurs brandies par les managers qui ne les respectent pas eux-mêmes), et par une désubjectivation des individus et surtout des groupes, afin d'assurer une auto-exploitation.
Le 22 avril 2014, la CSC Namur-Dinant organisait pour ses permanents et son personnel administratif une rencontre sur le thème des préjugés subis par les demandeurs d'emploi. Jean Blairon y a été invité à intervenir. Cette analyse est la retranscription de son intervention.
La tendance à dissocier de plus en plus, au nom de la rationnalité, l'action culturelle et l'insertion sociale, a conduit à bien des divorces dans des « couples » autrefois féconds : divorce entre éducation permanente et politiques d'intégration et d'insertion (au sens de Castel), divorce entre insertion et intégration, également. C'est pourquoi la demande adressée par PAC à Jean Blairon d'étudier les complémentarités entre action culturelle et insertion sociale au travers du travail des écrivains publics s'inscrit-elle à contre-courant.
PAC gère, depuis la fin des années 90, une formation « écrivains publics », dont l'évaluation a été confiée à RTA. Cette analyse synthétise les lignes de force de cette évaluation. Des services utilisateurs du travail des écrivains publics et des écrivains publics eux-mêmes ont été interrogés à cette occasion.
Le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP) a organisé en juin 2013 une rencontre avec l'asbl flamande « De link » qui dispense une formation de quatre ans permettant à des personnes qui ont vécu la grande pauvreté de devenir « expert du vécu » et d'être engagées professionnellement dans des administrations ou des associations pour y exercer des fonctions relatives au contact avec les populations très précarisées.
Le terme « expert du vécu », qui fait l'impasse sur la question « le vécu de quoi ? », nous semble déjà révélateur d'un « flottement » à propos de la pertinence de ce « métier », puisque ce qui fonde l'expertise n'est nommé qu'elliptiquement, par une sorte d'euphémisation très répandue dans la société.
Le CBAI consacre son agenda interculturel d'octobre 2013 aux « hypocrisies langagières », se posant la question suivante : « Politiquement correct et société multiculturelle : quels rapports ? ».
Nous avons été sollicités à propos de la « correction politique » de la question de la cohésion sociale.
L'avant-projet de Décret réformant le Décret de 2004 relatif à l'agrément et au subventionnement d'associations actives dans la formation sociale et professionnelle termine sa route parlementaire. Les Entreprises de Formation par le Travail (EFT) et les Organismes d'Insertion Sociale et Professionnelle (OISP) deviendraient indifféremment des CISP (Centres d'Insertion Socioprofessionnelle). Ce texte ne fait pas l'unanimité.
Que peut-on dire de l'utilité des Services d'Insertion Sociale (SIS), après 10 ans d'existence? Le capital symbolique de l'insertion sociale est moindre que celui de l'insertion socio-professionnelle, car elle semble moins directement opératoire (on « voit » moins à quoi elle mène qu'une formation professionnelle, même avec un horizon d'emploi très improbable) ; mais en même temps, son action positive semble indéniable.
Le 28 février 2013, la Fédération Wallonne des Assistants Sociaux de CPAS (Fewasc) organisait à Braine-le-Château, sous la présidence de Bernard Taymans, son 7ème Congrès. L'intitulé en était : Travail social performant au service de la dignité humaine en CPAS : Paradoxe entre les tendances managériales et la dignité humaine. Cette analyse est la retranscription de l'intervention de Jean Blairon lors de ce colloque.
Le Forem vient d'avoir recours, pour la gestion de son helpdesk, à une sous-traitance en partie délocalisée au Maroc. Les réactions fusent, pointant un paradoxe : un service public dédié à combattre le chômage peut-il contribuer ainsi à la délocalisation d'emplois, fussent-ils très peu nombreux ? Pour Jean Blairon et Emile Servais, la question n'est pas de savoir si le service public a fauté ou non, mais de se demander comment on en est arrivé là.
Une fondation pour tenter d'éviter de contribuer à la redistribution des richesses? Le projet de la Reine Fabiola a fait grand bruit. La Belgique est choquée; le gouvernement se penche sur la question des dotations royales; les spécialistes y vont de leurs commentaires, les uns arguant de la légalité du projet, les autres de son illégitimité et du devoir d'exemplarité de la famille royale.
On connaît la fâcheuse mésaventure de ceux qui sont par inadvertance tombés dans des sables mouvants : plus ils se démènent pour s'en sortir, plus ils s'enfoncent. C'est ce qui est arrivé à ce chômeur de 50 ans, certainement pas seul de son espèce.
En cette période où d'aucuns nous annoncent la fin du monde pour le 21 décembre, mais où se vendent aussi les horoscopes pour 2013, Jean Blairon recense les argumentaires du discours interprétatif des gourous de l'apocalypse.
Ils sont partout autour de nous, mais ce ne sont pas ceux qu'on pense...
En 2009, nous avons publié La révolution que nous attendons.
Au départ d'un texte écrit peu après la révolution de 1830 en France, dans lequel des ouvriers lyonnais revendiquaient que leurs bras soient reconnus comme première source de richesse, nous examinions dans cette analyse les parallélismes que l'on pouvait faire avec la situation actuelle.
Aujourd'hui, Jean Blairon, Jacqueline Fastrès, Emile Servais repartent du même texte de 1833 en s'intéressant cette fois au raisonnement qu'il contient à propos des conditions d'apparition d'un mouvement social.
En février 2012, nous avions publié « En haut et en bas » - Emprise de l'Etat et positions sociales. Dans cette analyse nous dénoncions notamment, à propos de la campagne "hiver 2012" de la RTBF, "l'appauvrissement du sens de ce qu'est l'appauvrisement". Nous mettions en lumière un traitement diamétralement opposé des personnes selon leur position sociale : pour les pauvres, individualisation des responsabilités et des épreuves (il faut prouver qu'on "mérite" son aide sociale), et désindividualisation des droits (en couple, on voit son chômage fondre). Pour les riches, désindividualisation des responsabilités et des actions (anonymat protecteur) et protection individuelle des profits (mécanismes qui permettent d'éluder l'impôt). Nous avons souligné le rôle de l'Etat dans cette situation.
Dans son dernier ouvrage, Après la crise, consacré à la crise de 2007-2009 qui semble se poursuivre par à-coups successifs, Alain Touraine écrivait « Le but à atteindre est la reconstruction d'un ensemble vivant et actif, ce qui passe par une redéfinition des principaux acteurs par eux-mêmes, une bonne connaissance de l'ennemi à combattre et la conscience des enjeux communs qui existent entre les acteurs sociaux. C'est la conscience de l'adversaire qui est la plus facile à acquérir. »
Après avoir analysé successivement l'adversaire et l'enjeu dans des analyses antérieures, Jean Blairon s'attache ici à l'acteur, achevant ainsi d'examiner le cycle des composantes de la production de la société par elle-même, telle que la définit Alain Touraine.
Dix ans de médiation, dix ans de leçon ? - Réflexions sur le travail social à l'occasion de l'anniversaire du Centre de Médiation des Gens du Voyage
Le 11 octobre 2011, le Centre de Médiation des gens du Voyage et des Roms en Wallonie fêtait son 10è anniversaire, lors d'une journée d'étude. Cette analyse est la retranscription de la conclusion de cette journée, assurée par Jean Blairon. En partant de la question du nom que s'est choisi l'association vu comme un catalyseur, et de sa formule emblématique « Gens de partout, gens de chez nous », il expose une analyse des principes de médiation du Centre.
Dans une analyse antérieure (« L'adversaire, après la crise ») nous avons examiné les thèses qu'Alain Touraine défend dans son dernier ouvrage « Après la crise ». Nous avons montré que la définition qu'il donne de l'adversaire pose des questions majeures aux acteurs du contre-pouvoir.
Nous poursuivons en analysant comment Touraine définit les enjeux communs aux acteurs sociaux. Par « enjeu », le sociologue entend une ressource centrale pour le conflit, plus ou moins structuré et structurant, qui est au centre de la production de la société, et autour duquel les acteurs se rassemblent et s'opposent à la fois, se disputant sa possession et son interprétation.
Dans une analyse antérieure, Jean Blairon proposait une réflexion sur l'adversaire que les acteurs du contre-pouvoir doivent pouvoir identifier pour le combattre. Il s'appuyait pour ce faire sur le dernier ouvrage de Touraine, Après la crise, et montrait qu'il n'y avait plus consensus sur cet adversaire, ce qui a bien entendu des répercussions sur les mouvements sociaux, anciens ou émergents, qui ne savent plus « à quel adversaire se vouer ».
Le « cadre d'auto-évaluation des fonctions publiques » (CAF) introduit la « logique client » comme référence de l'action publique. Les définitions, d'une opportun(ist)e imprécision, du terme « citoyen/client » recouvrent une traduction opérationnaliste du terme « service public » en « services au public » et remplacent la culture du service public par une logique instrumentale. Cette extension tous azimuts des logiques marchandes constitue un des « chevaux de Troie » si difficile à combattre par les mouvements sociaux.
Cette analyse propose une réflexion sur ce que peut être « l'adversaire », aujourd'hui. « L'adversaire », c'est celui qu'il convient de combattre, dans le conflit central de la société, auquel Alain Touraine a consacré ses travaux. Pour le sociologue, ce conflit a longtemps été social, mais les choses sont en train de changer. Aujourd'hui, pour sortir de la crise financière mondiale, il faut que les acteurs du contre-pouvoir se renouvellent, qu'ils deviennent des acteurs plus moraux que sociaux, pour revendiquer la création d'une nouvelle société. Touraine nomme trois conditions pour que ce mouvement prenne de l'ampleur : une bonne connaissance de l 'adversaire, une redéfinition des acteurs par eux-mêmes, et enfin la conscience des enjeux de la lutte.
Au départ d'entretiens avec deux travailleurs de la grande distribution, cette analyse illustre, par le point de vue des acteurs de terrain, deux manière de vivre la politique des grandes chaînes de distribution (anonymisées), qu'il convient de ne pas mettre hâtivement dans le même schéma de fonctionnement. Quatre analyseurs ont été utilisés :
- le sens et la valeur donnés collectivement au travail par l'entremise de l'entreprise ;
- les formes d'investissement dans le capital culturel des travailleurs ;
- la forme que prennent les collectifs de travail au sein de l'entreprise ;
- et enfin, l'efficacité des entreprises telle qu'elle est vue par leurs employés.
Le réseau Idée (Réseau d'information et de diffusion en éducation à l'environnement) se pose la question de savoir si les « acteurs éducatifs » peuvent constituer le levier d'un changement social de grande ampleur ; le Réseau annonce un colloque en 2012 pour mettre cette thématique en débat. Pour nourrir la réflexion, il convient de se démarquer des utilisations abusives des thèmes de l'acteur et du changement.
Cette analyse balise les trois pièges à éviter, en proposant de suivre un auteur comme Félix Guattari qui posait que le changement social se produit d'abord à un niveau qu'il appelait moléculaire ou micro. Est-il possible, au départ de ces actions, de produire un changement de grande ampleur? L'analyse propose quelques pistes en ce sens.
On doit à Robert Castel une réflexion sur la notion de désaffiliation, qu'il présente comme un « décrochage par rapport aux régulations à travers lesquelles la vie sociale se reproduit et se reconduit ». La dérégulation du travail et la reconfiguration des protections sociales ont amené un nombre grandissant de personnes à devenir des « individus par défaut », désaffiliés, dans une société où le thème de la responsabilisation individuelle ne cesse de gagner du terrain. Ces personnes sont ainsi considérées comme« éloignées de l'emploi », et les politiques d'emploi cherchent, en les « activant », à les rapprocher de celui-ci. Cette forme de lutte contre la désaffiliation met alors l'emploi au centre des forces centripèdes, cherchant à ré-aimanter ceux que des forces centrifuges ont mis « out »; les résultats sont cependant rien moins qu'évidents. Or, il est possible de retourner ce schème, de considérer que c'est l'emploi qui s'est éloigné de ces personnes, et qu'une politique d'emploi appropriée peut permettre de se rapprocher d'elles.
Analyse de l'expérience du Miroir Vagabond
Le SPP Intégration Sociale a commandité à l'asbl RTA une recherche-action visant à observer de l'intérieur une expérience de lutte contre la désaffiliation sociale menée par une association de terrain. Il s'agissait par ce biais d'étudier le rôle que peut jouer l'acteur associatif dans cette lutte, les conditions de possibilité de celle-ci et d'identifier les modes souhaitables de soutien public à de telles initiatives.
Postface de Jean Blairon
Pratiquer l’éducation permanente dans l’univers carcéral n’est pas gagné d’avance. Car il s’agit d’abord d’appréhender un système pénitentiaire dans lequel les personnes détenues vivent le sentiment d’être niées, de ne plus exister, de ne plus avoir aucun droit. De devenir des « inutiles au monde ».
Dans ce contexte où l’autonomie des individus est mise à mal, quelle est la pertinence et la portée de projets de formation dont l’objectif est de soutenir les personnes dans leur capacité d’être sujets, de se reprendre en main ? A quelles conditions est-ce possible ? Quelles traces ces initiatives laissent-elles chez ces détenus participants ?