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Dans un article majeur publié en 1974, Michel de Certeau regrettait une série de dérives qu’il voyait se produire dans le champ de la culture :

  • l’abandon d’une approche centrée sur le « peuple » au profit d’une logique consumériste conçue par rapport à un « public », plongé de fait dans une relation passive à la culture ;
  • l’intégration de la culture dans l’industrie des « biens et services » et son alignement sur une logique de développement monolithique (Félix Guattari parlant pour sa part de « capitalisme mondial intégré »);
  • l’abandon du couplage de l’action dans le champ de la culture et de la volonté de transformer l’environnement sociétal. D’une certaine manière, nous sommes arrivés au bout de cette évolution.

D’une certaine manière, nous sommes arrivés au bout de cette évolution.

Une certaine interprétation des travaux de Bernard Lahire, notamment de son ouvrage La culture des individus, inscrit en effet de plus en plus l’action culturelle dans le domaine d’une diffusion éclectique de bon aloi.

Certes, comme le note Jean-Pierre Le Goff, la conception qui faisait de la classe ouvrière le Sujet de l’histoire et qui lui conférait le rôle messianique d’ être «le genre humain» est derrière nous.

Avec cette transformation, l’action de la culture qui était définie par rapport à une telle conception (incarnée par les concepts de démocratisation et de démocratie culturelles) doit probablement repenser ses fondamentaux.

Certes, nous sommes entrés dans une nouvelle phase du capitalisme, qui nous fait passer du Progrès par l’industrialisation à la construction d’une économie de l’information, à tel point que certains auteurs comme Alain Touraine ont pu forger le concept d’ «industries culturelles». Pierre Bourdieu voyait quant à lui dans cette évolution un risque majeur de destruction des microcosmes autonomes qui seuls peuvent permettre la création.

Certes, nous constatons que les missions de la culture explosent dans l’ordre des mots (ne doit-elle pas, rien de moins, nourrir la citoyenneté, oeuvrer à la cohésion sociale, fournir des référentiels communs aux ensembles supra-nationaux, favoriser le dialogue entre communautés, mais aussi construire une image attractive d’une région, etc.), alors même que les investissements dans le champ de la culture ne constituent pas une priorité réelle des Etats.

Mais ces évolutions, pour massives et questionnantes qu’elles soient, n’occupent pas tout le paysage. Michel de Certeau pensait d’ailleurs qu’allaient surgir de nouvelles pratiques, prenant en compte des problèmes nouveaux, locaux, liés à des styles de vie et possédant en même temps une dimension sociale.

Nous observons de fait que se construit peu à peu une controverse5 structurante dans le champ de la culture, qui oppose une approche «public» à une approche «population».

Nous souhaitons dans ces lignes identifier quelques-unes des composantes qui permettent de définir cette dernière approche, puisque nommer de telles composantes et en décrire les relations, c’est contribuer au combat pour l’existence et la légitimité de l’approche, minoritaire, qu’elles composent.