Pierre Bourdieu a montré que pour pouvoir analyser le monde social, il faut analyser aussi les instruments d’analyse, car ils constituent souvent ce qu’il appelle des « théories spontanées », dont l’analyste n’est que peu conscient mais qui font écran à sa compréhension du monde social. Lorsqu’on parle de lutte contre la pauvreté, comme dans d’autres domaines, il s’agit donc de questionner d’abord la théorie qui pourrait colorer d’emblée le propos avant même le début de la réflexion.
En commençant par le terme « pauvreté » lui-même, dont l’angle d’approche sera un premier cliquet dans la théorie. La manière de lutter contre cette pauvreté est de plus en plus vue via le prisme de théories spontanées comme « l’assistanat » (au lieu de « l’assistance ») ou « l’abus » (au lieu de « l’activation d’un droit »). Toute une chaîne de théories spontanées, non seulement touchant à la pauvreté mais à la vision du monde social lui-même, peuvent ainsi s’additionner et se renforcer, finissant par dévoyer complètement la lutte contre la pauvreté. La déconstruction minutieuse des enchâssements de théories spontanées qui font les politiques est donc indispensable.
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