Carnet Aide à la jeunesse 2017
GénérationS AMO
«des racines et des ailes»
Méthodologie du projet
Productions des ateliers
I. Montée en puissance du travail en réseau, quid du partenariat ? -Groupe de Mons
II. Le milieu de vie : les NTIC, le travail de rue... un milieu en mutation -Groupe de Liège
III. Les AMO, alternatives à l’hébergement ? -Groupe de Bruxelles
IV. Pauvreté et précarité, quelle approche en AMO ? -Groupe de Namur
Conclusion
Introduction
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Au quotidien, chaque service AMO, chaque travailleur social au sein de son service, est aujourd'hui amené à devoir se définir, se positionner, se démarquer par rapport à un environnement sociétal et institutionnel en grande mutation. La diversité des environnements institutionnels avec lesquels l’aide en milieu ouvert est en lien et la multiplication des contextes qui mobilisent la dynamique socio-éducative d’aide aux jeunes témoignent à la fois de l’importance, du sens et de la force de l’action menée au sein des services AMO, mais permettent également d'en pointer l'extrême complexité et parfois la fragilité. Aujourd’hui, peut-être plus qu’hier, il nous apparaît nécessaire et important de mener un partage d’expériences et une réflexion collective à propos des « fondamentaux » du métier sur lequel le travailleur social en AMO appuie son travail. A l’initiative de 3 fédérations (ANCE,FIPE et FISSAAJ), le projet « GénérationS AMO » s’est donné pour objectif de mobiliser les équipes des services AMO dans une quête de sens autour de fondamentaux partagés qui constituent en quelque sorte l’ADN de l’action des AMO. Revenir aux fondamentaux semble évident, non pas dans un réflexe conservateur mais bien pour contextualiser la spécificité associative de l’AMO et ainsi renforcer son identité institutionnelle. Pour enrichir cette démarche, nous avons estimé important de tenir compte de l’historicité des AMO et du secteur de l’aide à la jeunesse étant entendu que ces services plongent leurs racines dans des terreaux multiples, constitués d’analyses de terrain, de combats, de revendications ou d’interpellations diverses, de valeurs et de mobilisations collectives… dans un espace temps donné. Jeter un regard sur le passé pour mieux comprendre les enjeux actuels et se projeter dans le futur, telle est l’intention de la démarche « Générations AMO ». Ce travail de quête de sens répond également au souci de pouvoir transmettre les éléments constitutifs de l’identité de l’AMO au-delà de l’historicité des travailleurs, des équipes, des services et du secteur de l’Aide à la jeunesse, au-delà de la diversification des moyens d’actions mobilisés par les différents services. |
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La méthode |
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La méthodologie suivie pour la mise en œuvre du projet a été balisée dès le départ par quelques principes :
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Les différentes phases du projet |
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Etape 1 Recueil de données Durant cette étape, il s’agissait de recueillir des données auprès de toutes les équipes des services AMO dans l’intention de constituer une ligne du temps qui permette d’identifier des témoins et des lieux clés pour la production de séquences vidéos de soutien au travail en atelier. Il s’agissait en quelque sorte de retracer l’histoire des AMO avec les personnes qui l’ont faite. Ce recueil de données a été réalisé par un questionnaire adressé à tous les services AMO. Etape 2 Analyse des réponses au questionnaire, détermination des thématiques émergentes et réalisation de capsules vidéo Une analyse des réponses reçues a permis de déterminer 4 problématiques émergentes : la précarité des jeunes et des familles, le travail en réseau et le partenariat, le milieu de vie et l’AMO comme alternative à l’hébergement et à l’institutionnalisation. Les questions transversales sont celles qui interrogent l’identité de l’AMO, les valeurs, les principes d’action et les « fondamentaux » qui animent actuellement les équipes. Une fois la ligne du temps constituée et les témoins clés définis à partir des réponses au questionnaire, des visites de terrain ont été réalisées par l’équipe de RTA, en étroite collaboration avec le groupe porteur. Celles-ci ont été filmées afin de rendre les interviews des « fondateurs - témoins clés » accessibles au plus grand nombre. Chaque capsule remet en perspective le témoignage d’un témoin clé, identifié comme tel par les répondants au questionnaire, avec une thématique. Ces témoignages illustrent celle-ci tout en abordant certaines controverses internes/externes apparues au sein du secteur (cf. les tensions avec les contrats de sécurité…), ou encore des alliances externes constructives. Etape 3 Quatre ateliers ont été organisés en fonction des thématiques émergentes ; les capsules vidéo correspondante à la thématique ont servi d'amorce au débat : Dans un premier temps, pour lancer les échanges en introduisant le fil historique, les capsules vidéos ont été diffusées et mises en débat lors de la première demi journée de travail collectif. Ensuite, à partir des témoignages « clés », les échanges ont porté sur les expériences, les questionnements, les résonances qui se posent aujourd’hui au regard des actions mises en œuvre, et enfin les fondamentaux et points de tension concernant la problématique abordée. Etape 4 Carnet Aide à la Jeunesse Les apports des services via le questionnaire ainsi que les échanges lors des ateliers furent riches. C’est pourquoi nous avons décidé de réaliser ce Carnet sur le site Internet d’Intermag (RTA). Ce Carnet est composé d’une partie écrite, notamment avec les fondamentaux et quelques points d’attention, mais aussi des capsules vidéo réalisées pour chacune des thématiques.
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Un processus à poursuivre |
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Le travail réalisé au sein de GénérationS AMO, et tel que présenté dans ce document, est certes incomplet et inachevé dans sa formalisation actuelle ; il ne représente qu’un regard partiel et partial sur la réalité du travail mené par les AMO avec les jeunes et les familles tant de façon individuelle que collective. Le projet « GénérationS AMO » s’est construit petit à petit, s’écartant et se rapprochant, au fil du temps, des objectifs imaginés au départ, s’inspirant naturellement et spontanément du « modèle de propension » abordé dans le contenu des échanges. Aux questions qui se posent, nous ne souhaitons pas offrir de réponses arrêtées, mais nous espérons apporter divers éclairages sans avoir la prétention d’attribuer au service AMO une « définition » unanime, une plateforme exhaustive de fondamentaux qui fonderait une identité communément partagée. En effet, si on se rapporte aux expériences et aux propos partagés par les acteurs de terrain, il n’y a pas de réponse simple à la question de la spécificité de l’AMO, riche d’une série de fondamentaux et valeurs partagés, mais aussi traversé et travaillé par une série de tensions, de contradictions, voire de paradoxes qui en dessinent les contours. Nous espérons que ce compte rendu des travaux menés jusqu’à présent permettra de nourrir les réflexions au sein des équipes, des fédérations de services et des pouvoirs publics, et qu’ainsi le processus inachevé se poursuivra. Nous remercions particulièrement les équipes, les travailleurs sociaux et les témoins pour leur enthousiasme à participer à ce projet et le Fonds ISAJH pour son soutien financier.
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Constats partagés et fondamentaux historiques |
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Des éléments actuels sont mis en avant concernant le travail de réseau.
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Évolutions /Les changements observés dans l’environnement de vie des jeunes |
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Évolutions /Les changements observés dans les problématiques vécues par la jeunesse |
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Évolutions /Les changements observés dans l’environnement institutionnel des AMO et les conséquences en termes de travail en réseau |
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Le modèle de propension – questions, réflexions |
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Constats partagés et fondamentaux historiques |
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Des milieux de vie
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Proposition sur les fondamentaux |
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Le sens du travail en AMO se trouve dans ses différentes missions et spécificités de fonctionnement qui doivent être prises comme étant complémentaires et en interrelations. Les situations vécues par les jeunes et les familles et accompagnées par l'AMO (travail individuel) amènent des questionnements, des constats permettant de travailler à l'amélioration de leur environnement (travail communautaire). Le travail en équipe, avec des travailleurs issus de formations souvent diverses mais ayant la même fonction amène une richesse de réflexions et de points de vue, tout en impliquant de questionner le sens du travail. Une balise centrale permettant de guider l'action et la réflexion est que les personnes avec lesquelles on travaille doivent rester au centre de l'intervention, sujets de droits. Le jeune est vu comme un citoyen en devenir. Principes généraux
La question a été posée de savoir s’il y avait moyen d’aller plus loin que ces fondamentaux qui paraissent se limiter au cadre législatif.
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Les évolutions en interne |
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Les évolutions externes |
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Les NTIC |
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Les points d'attention (glissement/controverses/questions) |
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Constats partagés et fondamentaux historiques |
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Plusieurs participants soulignent le caractère complémentaire de leurs actions. |
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Proposition de schéma pour se représenter les fondamentaux historiques |
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Il est précisé que les services qui insisteraient plus sur un élément, par exemple le fait que le jeune serait le seul maître à bord, ne nieraient pas d'office les autres enjeux du triangle. |
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Les évolutions |
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1. Dégradation générale du climat sociétal, économique, éclatement et isolement ; désaffiliation, désagrégation du milieu de vie, nouvelle problématique de désaffiliation - (quid missions communautaires ?) Evolution du public et des demandes adressées aux AMO. La question posée est celle de l’adaptation des services à cette question du milieu qui se désintègre. Les AMO se situent comme des services qui ne peuvent nier la complexité de ces réalités ; ils constatent notamment en réponse à des demandes individuelles qu’ils développent une créativité qualifiée de ‘ créativité contrainte ’ ; celle-ci s’apparente plus à du bricolage en vue de donner une solution à des situations pour lesquelles ils ne sont pas outillés et qui ne sera pas nécessairement une solution vécue comme efficace. Lien avec l’hébergementConstat que les bénéficiaires (jeunes et familles) sont dès lors en demande d’hébergement classique, plutôt qu’en demande d’alternatives. 2. Evolution du tissu associatif, confusions des acteurs réels en jeu, quel rôle pour les AMO ? Pour faire face au point 1 (dégradation générale) il s’agit d’avoir un tissu associatif fort ; or l’environnement est devenu relativement confus : multiplication et confusion des opérateurs et des orientations (sécuritaires ou pas), et apparition d’autres évolutions (des associations qui peuvent faire façade à des objectifs non déclarés) – environnement partenarial confus : que fait-on stratégiquement ? On s’adapte ? On fait la différence ? On fait opposition ? Il est proposé qu’une évolution face à la multiplication des services sur les mêmes territoires, pourrait être d’occuper l’espace public à travers des projets plutôt que du zonage, pour éviter une logique de lutte de territoire. 3. L’évolution des familles, décomposées, recomposées, jeunisme… conduit à des évolutions de pratiques ; affronter de nouvelles exigences en la matière : le jeune trouve parfois difficilement sa place dans les fratries élargies, « jeunissement » des parents… Soutien à la parentalité. Dans les évolutions, sont évoquées les familles recomposées et les séparations conflictuelles où l’enfant est parfois mis de côté ou pris à parti dans le conflit ; il y a beaucoup de familles où le jeune ne trouve pas sa place dans des configurations multiples. 4. Les jeunes ont accès à plus d’informations qu’auparavant, mais ne savent pas nécessairement s’en saisir. Ils n’ont plus la confiance en eux minimum. Manque de pré-requis pour mettre à profit, pour pouvoir réellement être « seuls maîtres à bord », c'est-à-dire pour prendre des décisions les concernant. Ils ne sont pas assez outillés, manquent de recul…, cela pourrait impliquer une évolution de la manière dont on entend les demandes qui seraient à traiter. Il est fait mention de différentes ruptures de mondes dans lesquels les jeunes évoluent et qui peuvent les mettre en conflit de loyauté : famille / scolarité / amitiés / adultes de référence / ...
Pour éviter certains placements : prévention 5. Travail plus collectif (exemple d’une psychologue qui se dit que pour certains jeunes qu’elle suit, il serait peut-être plus intéressant pour avancer dans leur situation de travailler en groupe plutôt qu’individuellement, étant donné que nombre de troubles sont liés à des difficultés d’interaction/relation). Éclatement des liens sociaux, réinventer les collectifs pour lutter contre la solitude massive / manque de réseau. Constat de changements à plusieurs niveaux : le cadre, la rue, les modes de communication, peut-être aussi les jeunes et les relations qu’ils entretiennent – notamment aussi à travers le virtuel. Point d’attention pour les AMO :
6. Evolutions de l’alternative au placement, qui prennent en compte les évolutions du secteur de l’AJ : hyper spécialisation, mise en autonomie après un parcours institutionnel, l’éclatement scolaire qui peut conduire à l’errance. L’hyperspécialisation de l’aide à la jeunesse est complexe pour les bénéficiaires qui n’ont pas la compréhension du réseau, des services existants, autant que pour les acteurs eux-mêmes, ce qui ne permet pas toujours de comprendre les mesures prises à l’égard des situations vécues. Le placement a tout son intérêt quand, bien programmé en amont, il permet d’éviter une dérive du jeune dans d’autres placements à l’infini. Mais le mandant lui-même se retrouve en difficulté quand la situation ne correspond pas aux services éventuellement disponibles, ce qui implique une maltraitance pour le jeune qui est mis, de façon répétée, en échec puisque la solution ne répond pas à la situation. |
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Questions, réflexions, propositions |
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Les AMO ont une place à prendre dans la prise d'autonomie des jeunes dans une logique de travail sans contrainte et sans mandat car les demandes existent. Néanmoins certains écueils sont soulevés :
Les AMO ont une mission d’interpellation. Ce rôle, cette mission devrait être réaffirmée par les AMO dans une vision collective du secteur. Il s’agirait notamment de pouvoir définir qui on interpelle ? Sur quelle(s) question(s) ou problématique(s) ? Comment on le fait ? |
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Constats partagés et fondamentaux historiques |
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Certains éléments sont néanmoins mis en avant par rapport à la thématique travaillée en regard de l’historique du service ou du travail actuel.
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Proposition d'une interprétation |
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L'articulation des trois éléments et le focus mis plutôt sur l'un ou sur l'autre sera particulier à chaque service. Néanmoins, si on estime qu'un élément important de l’identité du secteur est la réduction des inégalités et qu'il s'agit de lutter contre ces inégalités, il faut certainement accepter qu’on apporte « plus à ceux qui ont moins », ce qui impliquerait de travailler à partir de la notion d’équité plutôt que celle d’égalité. Par ailleurs, en termes de réponse à une demande, et pour tout jeune ou famille passant la porte du service, l'accueil, l'écoute et l'accompagnement restent des fondamentaux de l'AMO.
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Les évolutions en interne |
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Les évolutions externes |
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Les points d'attention (glissement/controverses/questions) |
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A. Des fondamentaux politiques
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Effectivement, on peut estimer que les « grands fondamentaux » - émaillant les enquêtes, ressortant dans les témoignages d'acteurs historiques, et discutés dans les groupes de travail font l'unanimité. Ce sont des valeurs et des positionnements politiques que l’on retrouve notamment dans l'esprit des textes fondateurs des AMO : décret de l’AJ ; arrêté cadre des services agréés de l'AJ ; arrêté spécifique des AMO ; code de déontologie. De plus, dans le processus, on retrouvait bien différentes générations :
Un intérêt supplémentaire étant de retrouver dans les groupes de travail aussi bien des directions que des travailleurs, le tout avec une diversité géographique importante dans chaque groupe (a d’ailleurs été souligné dans plusieurs groupes de travail tout l’intérêt pour les travailleurs de pouvoir rencontrer et débattre avec d’autres travailleurs d’AMO, ce qui n’est pas nécessairement courant, surtout avec les AMO de régions plus éloignées). La réflexion à partir de laquelle des fondamentaux sont ré-affirmés est donc le fruit d’un travail effectué par un ensemble d’acteurs assez hétérogènes, si ce n’est réellement représentatifs. Néanmoins, dans ces fondamentaux, on peut constater une diversité de « traductions » par chaque institution. Afin de rendre compte à la fois de la base commune mais également de la possibilité de différenciation, les 4 « sources de la critique au capitalisme » ont été retenues comme point de vue structurant ces fondamentaux. Nous devons aux sociologues Boltanski et Chiapello (L. Boltanski et E. Chiapello.- Le nouvel esprit du capitalisme - Paris, Ed. Gallimard, 1999) la description des « indignations » qui sont à la source de la critique du capitalisme et qui ont donné lieu aux principaux mouvements sociaux. Pour les auteurs, le capitalisme, laissé à lui-même, génère quatre types de maux :
En réaction, quatre types de critiques se sont développées :
Les AMO pouvant être considérées dans leur individualité de service (chacune ayant des particularités qui la rendront selon ses spécificités plus sensible à un pôle ou à un autre) ; et néanmoins comme un secteur à part entière qui fait institution dans son identité commune : « Nous entendons par là que l'institution doit être considérée comme le résultat d'une dynamique institutionnelle qui correspond, d'une part, à un rejet de l'insuffisance d'un présent (ou d'un état de la situation) et, d'autre part, à la définition d'une volonté critique, qu'elle soit lutte pour l'égalité, la solidarité (sur le versant social) ou pour la liberté et l'authenticité (sur le versant culturel). » (A. Jamar, J. Fastrés, « Le sens et l'importance d'un travail de l'institution sur elle-même », in Intermag, Carnet Livre de vies : Plus d'un siècle d'accueil de l'enfance à Bruxelleshttp://www.intermag.be/analyse.) Chaque AMO, par son histoire institutionnelle, plonge ses racines dans les fondamentaux que sont la lutte pour l'égalité, la solidarité, la liberté et l'authenticité, avec des attentions particulières pour l'un ou l'autre pôle. De même dans les évolutions des services, il peut y avoir des ajustements ou des changements de priorités selon la réalité de terrain. Ci-dessous chacune des 4 valeurs fondamentales est définie en orientations plus précises amenées dans les différents moments du projet GénérationS AMO. Ces orientations sont illustrées par des propos tirés du travail d’enquête proposé à chaque AMO. Les questions dont sont issus les extraits ci-dessous portaient notamment sur :
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B. Des fondamentaux en termes de visées pratiques
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Le pas suivant a donc consisté à tenter de dégager quelles seraient les pratiques centrales découlant de ces fondamentaux. On a pu constater que cette volonté, cette envie de pouvoir aller plus loin dans la définition d’une identité forte s’est également retrouvée dans les groupes de travail, certains explicitant clairement qu'il serait frustrant de ne pas pouvoir aller plus loin que la référence aux textes légaux existants et que l’explication de celle-ci par les quatre sources de la critique. Néanmoins, une difficulté s'est présentée dans la tension entre « vouloir construire une identité commune forte » tout en conservant « l’irréductible spécificité de chacun » : tension en homologie avec les fondamentaux dégagés qui nécessitent de pouvoir articuler égalité et liberté / solidarité et authenticité – cette articulation nécessite effectivement un travail d’équilibriste pour ne pas verser dans les travers que sont l’égalitarisme d’une part, l’individualisme d’autre part. Cela nous rappelle aussi la difficile nécessité de jongler entre le travail individuel, collectif et communautaire : quelles priorités ? Avec quelles visées ? Et quelles articulations entre les différents niveaux ? Nous avons néanmoins pu dégager 10 éléments pratiques centraux
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C. Les déclinaisons pratiques
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Ces réflexions riches, incomplètes et qui nécessiteraient certainement d'être poursuivies dans les services et dans le secteur AMO, entre les différents services, sont mises en perspectives avec les différents « fondamentaux pratiques » en dégageant :
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1) « Priorisation » des groupes
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« Même si elles n’ont pas été créées à mes yeux par rapport à la précarité, je trouverais anormal qu’une AMO ne se dise pas : « Avec les moyens que j’ai, matériels, financiers, de bâtiments, de localisation, qu’est ce que je choisis de faire en priorité ? ». Et je trouverais anormal de ne pas prendre en compte l’idée de se dire : « Je vais quand même essayer d’être à disposition des jeunes qui sont le plus dans la parole confisquée ». Et on sait que dans la précarité, on peut être encore plus dans la parole confisquée, dans le fait de ne pas être reconnu, de ne pas avoir de place, etc. » Suivre cette logique impliquerait que chaque AMO fasse un travail de priorisation sur son territoire (via le diagnostic social notamment) afin de repérer les groupes, les endroits, les populations qui seraient le plus lésés en termes d’accès aux droits et de justice sociale, y compris ceux qui n’expriment plus de demandes pour toute une série de raisons (craintes que ça ne fasse pire, épuisement général, mauvaises expériences, défiance envers les institutions en général, ras le bol d’être constamment en position inférieure, de demande, de justifications…). Toutefois, le raisonnement de Robert Castel invite à adopter une vision de la précarité qui dépasse la seule composante économique et financière. Castel met en effet en avant le rôle joué par les solidarités socio-familiales pour prévenir ce qu'il appelle la désaffiliation (^Consulter : support théorique sur la notion de désaffiliation-.pdf). Certains rappellent d'ailleurs que les difficultés éducatives peuvent se rencontrer dans toutes les classes sociales. On peut donc dire qu'être attentifs à la présence de tels supports de solidarité ou que prévenir leur rupture est important en termes de prévention. En tout état de cause, deux questions semblent prioritaires à travailler :
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2) Proximité
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Dès lors, des questions se posent à différents niveaux selon le milieu de vie que l’on investit, ou que l’on souhaite investir. Pour ce qui est de la rue – à la fois lieu de travail historique et méthodologie structurante de la vision milieu ouvert pour certaines AMO – les évolutions sociétales ont sensiblement changé l’approche que les équipes en ont. Des constats partagés dans les différents groupes font état : de jeunes beaucoup moins présents en rue dans certaines zones géographiques ; de nouveaux travailleurs de rue présents sur des territoires historiques des AMO ; d’une vision de la rue en tant qu'espace public fortement modifiée. Ces constats invitent à se poser les questions suivantes :
L'école est un endroit incontournable de la vie des jeunes et des enfants ne fût-ce que par le temps qu’ils y passent. Toutefois, malgré l'importance de l'école en tant que milieu de vie du jeune, il est nécessaire pour les AMO de garder une juste distance afin de rester dans le cadre de leur mission ce qui invite à se positionner au moins sur 2 questions.
Concernant les réseaux sociaux, le constat partagé est que le net et l'ensemble des réseaux sociaux sont devenus un lieu incontournable pour les jeunes, ce qui impliquerait pour les AMO, a minima, de réfléchir à sa présence ou non sur ces nouveaux lieux ; du sens qu’on y met ; des objectifs et des moyens à développer ; des risques ou dérives éventuels. Une série de questions fondamentales se posent face à ce nouveau défi :
Les notions de disponibilité et d’accessibilité nécessitent de se positionner quant à la mise en œuvre de pratiques très concrètes qui seront adaptées au public avec lequel on travaille. Certaines de ces pratiques ont été évoquées et nous avons pu constater la diversité de mise en œuvre selon la réalité de l’AMO et du public rencontré :
Globalement, ces pratiques sont sous-tendues par une volonté des AMO de s’adapter à la réalité des jeunes et des familles afin de pouvoir réaliser effectivement leurs missions. Comme le rappelle un participant : « Les armes et les outils que l’on possède c'est notre flexibilité, notre souplesse et notre capacité d’adaptation ». Le travail réflexif et adaptatif par rapport à ces pratiques est néanmoins plus qu'utile pour éviter de tomber dans le piège des points de vue normatifs, ou dans des routines qui ne seraient plus en adéquation avec les réalités des jeunes et des familles.
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3) Point de vue authentique et émancipateur
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Le type de travail dans la mission individuelle est varié : accompagnement, orientation, défense d'un droit, information, soutien éducatif, travail relationnel… Il sera adapté selon chaque situation et visera à permettre au jeune/à la famille de mettre en œuvre ses propres capacités d'analyse et de recherche de solutions ; de (re)prendre le contrôle de sa vie sur le point qui pose question, de surmonter la difficulté présente ; et de s'affranchir (à plus ou moins court terme selon les situations) de l'accompagnement de l'AMO – on est dans une visée d'émancipation. On constate néanmoins que le débat est (reste ?) ouvert en ce qui concerne différentes dimensions du travail individuel. Les questions suivantes méritent certainement d'être partagées. La notion de demande
Les outils du travail individuel
On pourrait penser à l'instar de Robert Castel que le questionnement mériterait d'être approfondi en le mettant en lumière avec une société qui évolue à la fois dans un modèle gestionnaire et moralisant : « Mais c’est en même temps un peu paradoxal. On pourrait penser, sans être nécessairement un inconditionnel de la psychologie, que celle-ci est du côté du savoir, de l’affranchissement à l’égard des traditions, de la modernité. Mais aujourd’hui, la psychologisation accrue coexiste parfaitement avec le renforcement du moralisme, au point qu’ils paraissent s’étayer l’un l’autre. C’est un point qui mériterait d’être approfondi ».(Cf. Sociologies pratiques, 2008/2 (n°17), Éd. Presses de Sciences Po, « D’où vient la psychologisation des rapports sociaux ? », Entretien avec Robert Castel et Eugène Enriquez, réalisé par Hélène Stevens. URL www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2008-2-page-15.htm) Au niveau communautaire, les discussions ont permis de visualiser la multiplicité et la diversité des projets existants. Les travailleurs font par contre le constat que, de plus en plus, les projets sont des projets à l'échelle locale ; et de moins en moins souvent des actions d'interpellation plus larges. Le sentiment général est qu'il est difficile et énergivore de faire remonter des observations de terrain (dysfonctionnements, manques, etc.) et de réussir à faire bouger les choses, hormis peut-être sur des actions très ponctuelles. Par ailleurs, certains tendent à faire un lien entre un travail individuel de plus en plus « lourd » et complexe et une difficulté à s'investir dans des actions communautaires – plus les conditions de vie (accès aux droits fondamentaux) se dégradent ; plus les situations sont difficiles à gérer ; moins on a d'énergie à mettre dans les actions communautaires... Et pourtant, majoritairement, les AMO s’accordent à mettre en avant l'importance de conserver les différentes missions de l'AMO car ce sont bien ces différentes missions et leur articulation :
Il s'agirait donc de se poser les questions suivantes :
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4) Travail en équipe, créativité
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Ce travail d’équipe semble être :
De fait, les services insistent tous sur l’importance de la liberté méthodologique, et de la créativité dans le travail. Le choix des méthodologies utilisées, des référents théoriques convoqués, des outils maisons construits à partir de constats du service, etc., est un incontournable et quelque part cette diversité fonde en elle-même une partie de l’identité du secteur AMO. Néanmoins, le constat est également fait que cette diversité tellement importante peut amener deux niveaux de difficultés.
De même entre AMO, même si on se reconnaît : « Quand je discute avec un travailleur AMO, j’ai pas l’impression qu’il vient de la planète mars quoi, même s’il n’a pas les mêmes pratiques que moi, il y a des choses quand même communes en termes de valeurs et de fondements », il peut y avoir des difficultés à s’accorder par exemple sur un positionnement inter-service.
Cette difficulté de définition du secteur AMO nécessite sans cesse un travail de re-clarification et d’explication à tous niveaux. Dans une logique de secteur qui voudrait pouvoir insuffler des changements sociétaux, il va de soi que la force d’action et d’interpellation sera d’autant plus grande que les AMO seront nombreuses et porteuses d’un positionnement clair. Cela pose dès lors la question suivante : quels seraient les renoncements nécessaires de chacun, à certains moments, quant à son identité spécifique pour pouvoir réussir dans des combats communs ? Quels modes d’articulation inventer et construire pour pouvoir se reconnaître dans des combats communs et les mener ensemble ?
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5) Logique de propension |
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« Il est difficile de ne pas voir que les revendications des AMO à propos de leurs logiques d'action correspondent pratiquement point par point à un modèle de propension : rappelons-nous en effet que dans les rapports d'activités rédigés par ces services en 1995 trois revendications étaient clairement posées : la prise en compte de ce qui existe, la souplesse, la nécessité de considérer le bénéficiaire dans sa globalité. Cette logique de travail va poser les questions de résistances par rapport à un modèle sociétal dominant de type instrumental. On va retrouver des difficultés inhérentes à cette logique d’efficacité dans les différentes missions de l’AMO. (^Consulter : support théorique sur le modèle de propension-.pdf) Au niveau individuel, les AMO travaillent généralement dans une logique de propension – c'est-à-dire un travail à la demande du jeune/de la famille – à partir de ce qui va émerger au fur et à mesure des rencontres, en s’adaptant au rythme des personnes, etc. Il est pourtant nécessaire de rester vigilant d’une part vis-à-vis des bénéficiaires eux-mêmes qui parfois ont en tête un modèle de résultats immédiats (on peut penser aux émissions de téléréalité type super-nanny ou le grand frère), d’autre part vis-à-vis d’injonctions et de pratiques à l’œuvre dans d’autres secteurs (le PIIS dans les CPAS pour n’en citer qu’un). Au niveau du travail communautaire, les questions vont se poser au niveau de la justification, des partenariats, etc.
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6) Engagement politique de l’institution
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Le constat qui est fait à l’heure actuelle concernant le positionnement politique des services aussi bien en interne que vis-à-vis de l’extérieur est une diminution sensible de l’engagement : d'une part, des travailleurs dans une logique militante ; d'autre part, des services dans les revendications et l’interpellation, ainsi que dans le niveau d’ambition des projets communautaires. Certains revendiquent la nécessité de retravailler et réaffirmer ce positionnement politique. Les questions suivantes se posent dans ce contexte.
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7) Autonomie et indépendance des services |
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Les AMO étant des associations subsidiées, la question de l’autonomie et de l’indépendance qui s’est toujours posée porte :
Un autre élément pose question également, il s’agit des partenariats, notamment dans le cadre de travail avec des pouvoirs locaux.
Et pour finir, dans un contexte où les moyens financiers sont parfois faibles, une logique de plus en plus répandue est celle des appels à projets, de tous types et de tous horizons. Cette logique pousse à une mise en concurrence des services entre eux, mais peut également être porteuse d’une idéologie de type caritatif ou mécénat. Il est donc certainement important de réfléchir aux questions suivantes.
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Pour ne pas conclure... |
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A l’heure où des AMO ont souhaité s’arrêter pour faire le point sur ce qu’elles sont et ce qu’elles veulent, et, d’autre part, s’assurer que des échanges entre générations de travailleurs et de services permettent d’élaborer un regard commun sur l’histoire et les enjeux du présent, nous ne pouvions que déboucher sur des questions stratégiques telles qu’elles viennent d’être relatées. La suite du processus se jouera dans l’appropriation de ces questions, sur les réponses qui y seront apportées par les uns et par les autres, et peut-être surtout sur les échanges qui pourront porter sur ces réponses éminemment politiques. |
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