Dossiers et reportages || Champ économiqueAutour du management des associations
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Introduction
En octobre 2007 le sociologue Jean-Pierre Le Goff était présent à Namur, à l'invitation de la Fédération ANCE (Association nationale des communautés éducatives), une fédération regroupant une centaine d'institutions ou de services privés ou publics actifs dans les secteurs de l'aide à la Jeunesse et du handicap.
Cette journée de réflexion et de débat était concacrée notamment au management moderniste qui se prépare à envahir le monde associatif après s'être répandu dans les entreprises et les services publics.
Nous vous proposons dans ce nouveau dossier les actes vidéos de cette journée, notamment la conférence consacrée à l'approche critique du management telle que l'a développée Jean-Pierre Le Goff dans ses nombreux ouvrages.
1. La critique du management
- Les représentations clés
- Une vision du monde
- Le modèle de la performance sans faille
- Un modèle de l'individu au travail
2. Des repères de principe en positif
- La question des finalités
- Manager autrement
- Le management est un art
- L'éthique des managers
- Le savoir faire dans les relations humaines
3. Formations: Les socles
- Une expérience humaine et professionnelle
- La culture générale et la perte du fil historique
- Des outils et compétences opérationnels
Nous avons vu que les associations pouvaient être considérées désormais comme des cibles, des objets de stratégie, voire des terrains d’exercice ou des territoires à conquérir par la culture managériale, elle-même porteuse d’une vision très située du développement et du gouvernement de la société.
Le bilan critique qui est dressé de cette imposition culturelle implique toutefois que nous fassions porter (que nous « retournions ») sur nous-mêmes le recul réflexif qui nous conduit à l’interroger , puisqu’on peut considérer qu’un certain nombre des composantes de cette nouvelle forme de pouvoir ont été produites par les luttes sociales et culturelles mêmes que les associations ont pu mener.
Jean-Pierre Le Goff désigne cette réalité comme les effets d’une part de l’héritage de mai 68, part qu’il considère comme impossible à assumer.
Le mouvement culturel et social de mai peut de fait être vu comme la manifestation d’une série d’action et de luttes ; Félix Guattari les désignait comme « moléculaires », en les opposant aux stratégies plus globales et hiérarchisées, comme celles des syndicats et du PCF, qualifiées par opposition de « molaires ».
Il est utile de rappeler que les associations ont pris une part considérable dans les actions du mouvement de mai ; les luttes culturelles et sociales des années soixante n’ont pas en effet été seulement le fait des universités et des usines, mais elle sont été aussi menées dans le champ de la santé mentale, de l’aide sociale, des médias.
On peut ainsi poser que le « courant institutionnaliste » (psychothérapie institutionnelle, pédagogie institutionnelle, analyse institutionnelle) a été un des représentants et inspirateurs importants de ces influences.
Lorsque j'ai eu l'occasion de prendre connaissance des travaux consacrés par Jean-Pierre Le Goff à la modernisation (sauvage) des entreprises et à l'importation (qualifiée de barbare) de ses méthodes dans le champ de l'enseignement, je n'ai pu que me dire « enfin, quelqu'un qui l'a vu, et qui a vu juste! ».
Les constats posés par l'auteur étaient (pour en donner un résumé très simplificateur) les suivants :
- une révolution culturelle permanente est imposée aux individus, sommés d'être « autonomes/responsables/réactifs/motivés » au travail comme dans leur vie;
- les compétences et performances de chacun sont éaluées en continu, y compris le « savoir-être », qui relevait auparavant d'une zone privée et libre;
- chacun est dès lors invité à être « l'acteur de son propre changement », ce qui constitue une responsabilité impossible à assumer.
Ayant été dans les années 70/80 enseignant en lettres et m'étant beaucoup engagé dans la formation continuée des enseignants, je n'avais pu à l'époque que m'étonner devant l'étrange fierté de certains à imaginer qu'on allait désormais mettre en oeuvre une « ingénierie de l'éducation » ; je n'avais pu que constater l'imposition brutale d'une « pédagogie par objectifs », pourtant décriée par les praticiens, accompagnée de l'obligation de penser les pratiques via des tableaux à multiples entrées et des concepts étonnants (« formerl'élève au savoir-devenir »). Le désarroi des enseignants était grand, ainsi que l'impression qui était la leur d'être victimes d'un complet mépris. Nous étions pourtant confrontés à l'exercice d'un pouvoir pur...