Comme le milieu des entreprises, le champ scolaire est soumis à une domination culturelle. Cette domination – de nature capitaliste – s’observe au travers de l’application de grands principes (individualisation de l’apprentissage, élève acteur d’un apprentissage décidé sans lui, élève chargé de s’auto-motiver, planification à outrance de l’enseignement, etc.), en apparence positifs, mais en fait néfaste à la recherche de plus d’égalité sociale.
Pour comprendre les raisons de cet état de faits, Jean Blairon fait d’abord un retour en arrière, pour montrer comment les enjeux scolaires se sont d’abord inscrits dans un paradigme social : il s’agissait, dans les années 60 et 70, d’une lutte pour l'ascension, pour la distribution des places dans les appareils économique et politique (les « besoins » sociétaux s'expriment par un désir de monter dans l'échelle sociale).
Puis il pointe les déplacements et les affaiblissements de la lutte pour l'égalité sur le terrain scolaire. La version « sociale » de la lutte a été rapidement jugée insuffisante (en partie à juste titre), au profit d’une version plus « culturelle » : en d’autre terme, la lutte «(sociale) pour l’égalité a été coiffée par la lutte (culturelle) pour la liberté, parfaitement légitime et souhaitable en soi. Mais le manque d’articulation des deux types de lutte a permis de renforcer les inégalités. Sur ce terreau s’est greffé le néo-management et ses techniques d’ingéniérie, qui ont pollué bien des champs, le champ éducatif comme les autres. La domination culturelle dans les entreprises est ainsi fort proche de celle qui s’exerce à l’école. Nous aurions ainsi la plus absolue nécessité de comparer les exemples de domination et de résistance dans le monde du travail et dans les institutions éducatives, et d'ailleurs sociales, comme les EFT ou OISP.
Analyse parue dans Politique, hors série n°15, octobre 2010, pp. 74-81. http://politique.eu.org